Mario Mieli : Eléments de critique homosexuelle. Italie: les années de plomb

Mario Mieli : Eléments de critique homosexuelle. Italie: les années de plomb

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Traduit de l'italien et préfacé par Massimo Prearo.

Mai 2008, 356 p.

Éléments de critique homosexuelle fut d’abord publié chez Einaudi, dans la célèbre collection « Essais », au côté de signatures aussi prestigieuses que Pavese, Marx, Brecht, Gide, Marcuse, Huizinga, Blanchot, Gombrich, etc. Épuisé en quelques mois seulement, une deuxième édition paraît en juillet 1978. Devenu quasiment introuvable, ce n’est qu’en 2002 que Feltrinelli en publie une troisième édition.

Synthèse lucide et radicalement critique des expériences concrètes de libération, les Éléments constituent l’un des textes les plus importants écrits dans le bouillonnement militant des années 1970. Critique formulée d’un point de vue homosexuel et critique du point de vue homosexuel lui-même, le livre avance des propositions théoriques fondamentales anticipant les travaux de Monique Wittig et de Judith Butler.

Voyageant avec aisance et érudition de la pédérastie antique à l’interdit biblique, des bûchers d’antan aux lois anti-homosexuelles contemporaines, Mieli déconstruit un à un les préjugés psycho-socio-médicaux les plus répandus sur l’homosexualité, sans craindre de se confronter aux contradictions psychanalytiques de Freud comme aux incohérences de ses disciples.

Son idée d’un possible dépassement des catégories identitaires, de genre et d’orientation sexuelle, dans l’exercice performatif de la transsexualité, fait écho aux aspirations queer du présent, mais avec la fraîcheur et la pertinence propres aux esprits visionnaires. Son engagement radical et sans concessions invite aussi à repenser les voies actuelles des revendications homosexuelles, prenant ainsi à contre-pied les certitudes qui semblent traverser les mouvements gays et lesbiens quant aux demandes d’égalité des droits.

Il est impossible de rattacher Mieli à une quelconque tradition de pensée, car s’il est vrai qu’il exploite à plusieurs reprises les thèses de Marx, il n’y adhère jamais intégralement. De même, son intérêt pour les intuitions du Sartre de Baudelaire ou de Saint Genet ne se mue jamais en une fidélité aveugle. C’est plutôt dans la tradition de la pensée critique radicale que l’auteur lui-même se range, une posture qui n’est pas sans rappeler l’originalité et la puissance d’une figure dont Mieli, par son goût et par son ironie exceptionnels, est sans aucun doute le digne héritier : Oscar Wilde.

Le dépassement des catégories identitaires, de genre et d’orientation sexuelle, est pour Mieli une étape nécessaire à l’avènement d’un communisme gai, véritable utopie politique qui fait de l’homosexualité, mais aussi de la sexualité tout court, le moyen d’accès à une « dimension existentielle radicalement autre ».

Les Éléments éclairent d’une lumière nouvelle cet âge d’or du militantisme homosexuel qu’ont été les années 1970. Avec la présente publication de ce texte fondateur, le public francophone aura enfin accès à un témoignage crucial écrit dans le contexte politique sombre des « années de plomb » par un être multiple aux talents plus qu’éclectiques de philosophe, d’écrivain, de dramaturge, de poète et d’acteur, qui n’a peut-être d’égal qu’un Guy Hocquenghem ou un Pier Paolo Pasolini, figures de proue dont les temps présents sont particulièrement avares.

 

L’auteur

Mario Mieli (1952-1983) fût l’un des fondateurs du mouvement de libération homosexuelle Fuori ! Après avoir séjourné à Londres, où il participe aux premières manifestations du Gay Liberation Front, puis avoir été en contact avec les plus grandes organisations européennes, dont le Front homosexuel d’action révolutionnaire français (fhar), Mieli devient très vite la figure de référence du militantisme homosexuel italien.

Entre 1972 et 1974, il intervient à ce titre dans plusieurs journaux, faisant part de réflexion sur l’état du mouvement et sur les stratégies militantes. Il se détache très vite des lignes officielles du mouvement, trop pris à ses yeux au jeu de la politique politicienne, et fonde à Milan des collectifs autonomes qu’il anime entre 1975 et 1976 et qui seront de véritables laboratoires d’expérimentation existentielle.

Il suit entre-temps des études de philosophie à l’Université de Milan où il présente en 1976 sa thèse sur l’homosexualité masculine, publiée un an plus tard chez Einaudi. Dans cet essai, Mieli ne craint pas de livrer des témoignages de son propre vécu, de ses désirs, de ses fantasmes, ou encore, de son séjour dans une clinique pour malades mentaux, convaincu que, pour être authentique, l’engagement politique se doit de faire exploser les frontières entre privé et public, entre le « moi » et l’autre, entre l’objet et le sujet.

 

Massimo Prearo

Traducteur des Éléments de Mieli.